vendredi 20 juin 2014

Mon premier triathlon


Ah les premières fois et leurs lots de surprises-déconvenues-joies-émerveillements.
Triathlon de Versailles, 25 mai 2014, sprint (750 m - 23 km - 5 km)

25 mai 2014, 6h
La mine déconfite, j'ingurgite péniblement ma contrefaçon de Gatosport en buvant un thé à l'arôme improbable (du genre Barbapapa - Goyave - Eclair au café). Les aliments se frayent difficilement un chemin dans mon système digestif contracté par le stress. 
Vaguement nauséeux, les yeux embués par ce que j'ai pu attraper de sommeil la nuit précédente, j'enfile ma trifonction et je charge sur mes frêles épaules de coureur de fond les 15 kg de matériel que j'ai pensé nécessaires pour l'épreuve (et encore, j'ai décidé au dernier moment de laisser derrière moi ma forge de voyage et ses 250 kg de charbon).

8h
J'arrive sur site. Le départ est certes à 10h30 mais j'ai compté qu'il me faudrait bien 1 heure pour enfiler ma combinaison néoprène de location rafistolée.

9h
Un type entre dans la parc à vélo. Je flaire le bon plan : mais regardez-moi tous ces ahuris qui glandouillent au lieu d'aller installer leur vélo pendant qu'il n'y a personne. Non mais quelle bande de moutons lourds ! Jusqu'au moment où un arbitre est venu me signifier que le mouton lourd c'était moi et que le parc à vélo n'était pas ouvert.
Hé oui, je suis ce genre de types qui croient gagner du temps au supermarché et qui lâchent leur place dans la queue pour aller attendre devant une caisse fermée...

10h
Je demande à un type qui a l'air de s'y connaître de m'aider à fermer la fermeture dorsale de ladite combinaison. Tout le monde a l'air de mieux s'y connaître que moi. Je me pose des questions existentielles : dois-je déjà mettre mon bonnet de bain ? Puis-je faire pipi dans ma combinaison impunément ?

10h30 
Il est temps de se jeter à l'eau. Une eau verte et vaguement malodorante mais l'effet troupeau agit sur moi à plein et je m'y jette sans arrière-pensée. 
C'est vert et ça sent bizarre certes mais étonnamment je n'ai pas froid. En étirant mes orteils et en respirant avec le haut de mon crâne, j'ai pied. Je me permets même d'échanger quelques mots avec un type à côté de moi, qui me demande un peu anxieusement des précisions sur le parcours. Je lui réponds en prenant un air de baroudeur-spécialiste-habitué. Il a l'air rassuré. Je me demande si je lui ai donné des informations exactes...

10h30 et quelques
Le départ est donné. Pas fou, je décide de laisser partir le troupeau pour ne pas me faire hacher menu par 500 nageurs en furie. Le peloton aquatique est devant, je lance mon crawl. C'est tout vert là-dessous (je sais, je l'ai déjà dit deux fois) et assez opaque. Ca me fait penser au marais du seigneur des anneaux. Au bout de deux cycles de bras, je ne peux plus respirer. J'ai fait 5 m (sans exagérer). Bon, je m'attendais à ce que ma fraichement acquise technique de crawl me lâche et je passe au plan B : la brasse. En brasse, je peux faire 2 km sans me fatiguer, je suis confiant. Je plonge la tête dans l'eau et la remonte instantanément : j'étouffe nom de Zeus, aurais-je oublié mes poumons ce matin en partant ? Que se passe-t-il ? Plan C : La brasse tête hors de l'eau façon requin obtus : j'étouffe toujours autant et en plus je n'avance pas. Je regarde la rive. Je vais abandonner après 25 m. C'est dingue !
En désespoir de cause, je passe au plan D comme dos. Je lance un bras, puis l'autre et je commence à battre des jambes mais c'est épuisant. Passons au plan G comme grenouille : jambes de la brasse et dos crawlé avec les deux bras en même temps. Ouf, ça commence à aller mieux. Je peux respirer sur les phases de glisse. Les nuages dans le ciel sont plus agréables à regarder que cette eau abominable. J'avance en zigzagant mais j'avance. Sans rétroviseur, il m'arrive d'accoster quelques requins obtus en perdition mais bon, à la guerre comme à la guerre.
Après 21 minutes de lutte, j'accoste le ponton comme un pantin désarticulé. Les marionnettistes-bénévoles m'évitent la noyade et je cours vers le parc à vélo en me battant avec ma combinaison. 

Vélo
Arrivé devant mon vélo, je suis totalement hors de moi. Je ne réussis pas à retirer les jambes de ma combinaison : je finis par m'assoir. Je déconseille le pantalon néoprène pour les soirées mondaines. Je finis par réussir à m'extraire de ce piège de caoutchouc et je jette la combinaison dans un coin. Elle semble me lancer un sourire ironique, roulée en boule.

Casque sur la tête, jugulaire bouclée et chaussures de vélo au pied, je cours avec l'énergie du désespoir. Malgré tout, le contact avec l'élément terrestre me fait du bien et je reprends des forces.
Arrivé à la ligne de fin de transition, je monte sur ma selle. Un type tente de chausser en roulant et titube en plein milieu de la chaussée. Par solidarité, je titube aussi, manque de tomber mais un bon samaritain resté prudemment à terre me pousse le céans pour me donner un élan salvateur. Je crie merci sans me retourner, par peur de perdre l'équilibre.
Et me voici donc au coeur de ma toute première course de vélo. Je trouve le rythme assez facilement. A vrai dire, je double même tout un tas de monde. Forcément, j'étais sorti 470ème sur 540 de la natation.
J'avais lu partout que la partie vélo était la partie la plus agréable et bien : c'est vrai. Les km défilent, je me sens bien. Je pose de temps en temps les bras sur mon mini-prolongateur pour justifier la somme ahurissante que j'ai investi dans cet achat mais le drafting étant autorisé, je garde souvent les mains sur les cocottes.

Course à pied
Dans une descente un peu raide, les concurrents qui me précèdent commencent à déchausser en roulant pour préparer la transition : je les imite en conservant par magie un équilibre relatif sur mon vélo lancé à 45 km/h.
J'ai un peu la peur de ma vie à ce moment-là malgré tout hein...
La transition se déroule bien : je cours enfin. Je cours, certes, mais pas bien vite. Je n'avais pas remarqué que mes jambes s'étaient transformées en boudins de plomb, surtout au niveau des quadriceps. J'accroche péniblement les 5 min au kilomètre sur les premières minutes. 
Et là je me révolte : merde, la course à pied c'est ma spécialité. Je suis capable d'accélérer à la fin d'un semi alors pourquoi pas là ? Et mes jambes se mettent à tourner. Je double, je double. J'approche les 4'20" / km. Et soudain, vlan : le point de côté. Horrible. Mais j'ai couru 10 km avec un point de côté de la même facture mon dernier semi (toujours le même) alors je continue. Dernier virage, dans une tentative de dépassement par l'intérieur, je prends appui sur une touffe d'herbe peu coopérative et je me retrouve allongé par terre. L'adrénaline aidant je me relève d'un bon et je termine en sprint. Résultat : 160 et quelques sur 540. Après une natation si calamiteuse, franchement, ce n'est pas si mal que ça, non ?

Et puis ce qui est cool avec un triathlon de ce format, c'est que pour le même temps d'effort, j'étais frais dès l'après-midi alors qu'après un semi je reste allongé dans mon lit de douleur, attaché à ma perfusion de sang de cheval dopé à l'EPO, pendant 3 jours. 

Bref, c'était chouette.